De mon patelin

Publié le par Yoda-Ben²

Ah... Mon patelin.. C'est un concept. L'alliance parfaite entre le tourisme à petite échelle et l'industrie crasseuse. La dimension bâtarde de la ville et de la campagne, tout en y ayant synthétisé méticuleusement les défauts des deux parties, sans aucune de ses qualités.

De la ville, mon patelin en a la pollution (une usine de ciment, une usine de produits chimiques, un port céréalier et pétrolier et une criée -imaginez la symphonie d'effluves de pesticides et de poisson alliée aux poussières de ciment et de blé allergènes..), le bruit (les grues du port ne sont graissées que tous les vingt ans environ), et l'absence de tranquillité due aux nombreux gamins désoeuvrés, qui peuvent fort bien dégonfler les pneus de votre voiture ou dealer du shit parce qu'il n'y a rien d'intéressant ce soir à la télé.

De la campagne, mon patelin n'a retenu que l'ambiance villageoise détestable, avec les indispensables débiteurs de potins, connaissant absolument tout sur tout le monde (Oh, à propos, vous avez vu la petite Machine, hier à la soirée loto ? - Et comment ! Vous avez vu cette jupe ? Même ma fille elle la mettrait pas comme ceinture ! - Il paraît qu'elle se fait tirlipoter le chauffe-plat par le fils du garagiste.. - Ah non, ça, c'était la semaine dernière ! Là, il paraît que c'est le fils Truc, cette fois.. - Non ! Pas possible !! Etc), à qui il ne manque que la cape noire et les lettres anonymes pour compléter la panoplie du parfait corbeau.

Mais le pire (ou le meilleur, c'est comme vous le sentez) de mon patelin, c'est quand même son activité touristique. Car je vis dans une Station Balnéaire, oui monsieur !

En fait, c'est le genre d'endroit qui est idyllique quand on y séjourne une ou deux semaines par an, et infernal quand on y vit depuis l'âge de deux jours. Surtout l'été. Ah, l'été...

Lorsque l'école finit, que les écoliers se prennent par la main car la cloche a sonné, la plage est tout de suite la destination rêvée. Et dans un sens, c'est vrai que c'est plutôt sympa, d'aller à la plage en été. Mais.... Après ? Une fois qu'on a bien fait trempette, qu'on s'est fait piquer par les vives (les vives sont des petits poissons tapis dans le sable, à la nageoire dorsale équipée d'un dard venimeux. Inutile de préciser que sa piqûre est très douloureuse), dégueulasser par les résidus de pétrole (ou d'autre chose : mon patelin se trouve sur la côte méditerranéenne) et brûler par le soleil, ben, il ne reste pas grand-chose.

On fait très rapidement le tour des boutiques, à savoir la moitié de souvenirs, vendant les mêmes bouées-canards, les mêmes danseuses en coquillages, les mêmes cartes postales obscènes et les mêmes boules à neige ornées de dauphins pailletés, et l'autre moitié de pinard (car mon patelin est en plein milieu d'un terroir AOC.. L'horreur. On ne jure que par la piquette et le rugby). Un tour sur la Promenade (une splendide esplanade d'environ cinq cents mètres, longeant la plage, ornée de bancs, de jardinières pleines de géraniums et de déjections canines) offre à la vue du spectateur le spectacle navrant de la médiocrité à la française : petits vieux végétant sur les bancs en attendant l'insolation (et encore, ce ne sont pas eux les pires), beaufs bedonnants vêtus de bobs Ricard et de marcels à trous déambulant avec leur moitié et claquant le petit dernier qui réclame une glace, gamins surexcités qui shootent comme des malades dans leurs ballons de foot (et parfois dans les tibias des passants), et adolescents goguenards, le séant solidement vissé sur le muret séparant la plage de la civilisation, dans leurs plus beaux maillots de bain, pouffant à chaque fois que quelqu'un passe (insupportable).

Quand on a, comme moi, le malheur d'avoir un physique quelconque, de déambuler en jean-baskets et de ne pas avoir plaqué sur le visage l'air béat du vacancier comblé, marcher en public devient une vraie corvée. J'en ai fait l'expérience pas plus tard que tout à l'heure, c'est flagrant : tout le monde me dévisage, avec une expression tour à tour incrédule, compatissante, moqueuse ou méprisante. Les personnes âgées secouent la tête en déplorant la tête d'enterrement que font les jeunes pour rien, à notre époque, les beaufs rigolent et se retournent sur mon passage (sans doute pour voir si je ne suis pas un mirage), et les "jeunes" me fixent en rigolant, je ne sais pas trop pourquoi.

Et après, on se demande pourquoi les autochtones ne supportent pas les touristes..

Publié dans douleur

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