Des détails triviaux de ma morne existence

Publié le par Yoda-Ben²

Cette semaine, ami lecteur, beaucoup de boulot. J'ai taffé ma race du lundi au vendredi, tout en jonglant avec les vicissitudes de ce que le commun des mortels appelle la vie sociale, vu que maintenant, j'en ai une. Pas possible comme c'est dur de composer avec les soucis des uns et des autres, surtout quand on ne fait cet exercice de style que depuis quelques  mois. Et je t'avouerai sans ambages, ami lecteur, que ma misérable et surannée existence était quand même plus calme avant que je m'embarque dans la fréquentation assidue de gens et tout ce qui s'en suit.

Question boulot, j'ai eu droit à mon quart d'heure de gloire mercredi, matérialisé sous la forme d'une intervention préparée et récitée par mes soins devant un parterre d'érudits qui, ceci dit en passant, n'en avaient pas grand chose à foutre, mais chut, il faut pas le dire. Mon directeur de recherches étant un authentique amoureux du savoir dans sa forme la plus pure, tout en étant un homme charmant, je n'ai, au début, pas vraiment réalisé à quel point le sujet de ma diatribe était infect et plus dénué d'intérêt que la culture extensive du rutabaga dans les Îles Féroé. L'ennui, c'est que pour mon prof, même la culture extensive du rutabaga dans les Îles Féroé présente un intérêt extrême, et je dois dire que cet éternel enthousiasme est presque communicatif.

Bon, bref, je me retrouve, la peur au ventre, les mains moites et le coeur battant d'avoir utilisé en cachette la photocopieuse du département d'histoire antique pour faire les copies de mes pièces annexes -et spécial kassdédi à Simone pour me l'avoir permis, two thumbs up !-, devant la salle où devait se dérouler la chose. Une petite dizaine de personnes usait ses fonds de culotte à attendre le maître de cérémonies, et alors qu'ils remarquaient que j'étais la seule à lire et relire mes notes tout en me rongeant ce qui me restait d'ongles, ils m'abordaient les uns après les autres en me demandant très poliment si ça ne me dérangeait pas s'ils pouvaient partir vers six heures, vu qu'ils doivent aller en cours après et que blablabla. Moi, dans un geste de grand seigneur, je leur assure que non, non, ne vous inquiétez pas, je ne le prendrai pas mal, je vous en prie, et autres banalités avec le naturel le plus parfait, alors que je crevais de peur à l'idée de parler devant des inconnus sur un sujet que je maîtrise, mais dont j'avais, le stress aidant, tout oublié.

Et me voilà, enfin, à déblatérer sur mon sujet de thèse qui, j'en suis sûre, ami lecteur, n'éveillera que médiocrement ton intérêt, jusqu'à ce qu'une demie heure plus tard, je me taise enfin devant un auditoire d'environ cinq personnes. Bon, mon prof a semblé content de moi, m'a même dit que je lui avais appris quelque chose, et comble de la classe internationale, j'ai même pu répondre clairement et sans hésiter aux nombreuses question qu'un sosie d'Eric Idle me posait avec une régularité de métronome -sans doute quelqu'un que mon prof a payé pour avoir l'air de s'intéresser à mon travail.

Bref, je suis sortie de ce mini séminaire avec la ferme impression d'avoir enfin le mot "doctorant" gravé sur le front. Le reste du temps, je l'ai passé à recommencer ma routine archives-maison, tout en essayant de braver la bise et de marcher jusqu'aux archives, l'ordi en bandouillère. J'espère que je résisterai à la tentation d'utiliser ma voiture le plus longtemps possible, vu le lard dont je dois encore me débarrasser. Le temps qui reste, je le passe à écouter mes cédés de cornemuse en particulier et en général de musique de sauvages que personne n'écoute à part moi, que je stocke sur ma bécane telle le porc, pour avoir le plaisir d'avoir ma tête qui balance en rythme tout en transcrivant mes registres chéris.

La peau de mes mains ressemble davantage à celle d'un lépreux en phase terminale qu'à celle d'un intellectuel, mais bon, ça ne fait rien. Je me prépare à l'hiver qui arrive, telle la tique qui se renferme dans sa carapace en attendant les beaux jours. J'essaye de ne pas penser à mon compte en banque qui, comme chaque Nowel, se creuse jusqu'à ressembler au gouffre de Padirac, et me forcera à passer les deux prochains mois à lorgner uniquement sur les paquets de coquillettes premier prix et les yaourts sans sucre, sans fruits, sans édulcorant et sans rien pour accompagner. J'essaye de résister à l'envie de remplumer mon pauvre corps transi avec toutes les saloperies qu'on trouve si aisément en périodes de fêtes. Les chocolats, foies gras, bûches et autres joyeusetés me tenteront de leurs voix de sirènes, mais j'espère que je tiendrai bon avec mes courgettes bouillies et mes soupes de légumes.

Et comble du malheur, je n'arrive pas à me sortir la chanson Yalla de la tête que c'en est atroce.


Et voilà un hiver qui commence sous les meilleurs auspices.
Et youpi.
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N
hum, il y a comme un léger parfum de déprime hivernale... t'as pensé à la luminothérapie ? ^^sinon, chapeau pour ton intervention sur un sujet qui devait être, j'en doute pas, passionnant ! ça trempe le caractère d'avoir un speech à faire devant des inconnus... quand on connaît son sujet (sinon, ça sert à rien, à part se taper la honte).et pisjoyeux noël en avance !
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