Petites leçons d'anthropologie comparée, aujourd'hui : la femme
Aujourd'hui, ami lecteur, je voudrais t'entretenir d'un vaste sujet qui me turlupine le cervelet.
La femme aujourd'hui.
Non, pars pas ! Loin de moi l'idée de faire un réquisitoire façon faction militante du MLF ou quoi que ce soit. Ami lecteur, sois rassuré.
En fait, je me posais des questions quant à l'évolution du statut de la femme dans notre belle société, afin de voir un peu où nous en sommes. Et pour ce faire, j'ai examiné les plus impartiaux des témoins, les plus impitoyables compteurs de l'opinion de la société : les magazines féminins -Oui, en effet, je te l'avoue, ami lecteur, je suis friande de ce genre de lectures. En particulier ceux qui présentent leurs lectrices sous un jour ludique, car le paradoxe y est, à mon sens, le plus criant.
Je m'explique.
Aujourd'hui, si l'on en croit les magazines féminins, la Femme avec un grand F est une sorte de WonderWoman capable de tout mener de front, une carrière florissante, des amis formidables à la pelle, un fiancé merveilleux et une famille fantastique, mais bon, tout ceci est la verroterie de base depuis une bonne trentaine d'années. Non, le véritable changement, c'est que notre héroïne doit obéir à des canons aussi obligatoires qu'immuables pour espérer être une fille cool aux yeux du monde en général et des siens propres en particulier.
Déjà, allons directement au plus simple : l'apparence. La Fille Cool -appelons-la ainsi- se doit d'être à la pointe de la mode. Témoin le plus incorruptible : la page "tendances" du mois, voire de la semaine. Bon, mettons que cette semaine, les gadgets les plus hype soient les faux cils en plumes, les bonnets péruviens à oreilles, les bottes en caoutchouc et les blacelets brésiliens. Hé ben chaque semaine, c'est autant de cochonneries à acheter et avec lesquels paraître, sinon la Fille Cool perd aussitôt son précieux statut et se trouve manu militari propulsée dans l'enfer des ringards. Evidemment, ces étoiles filantes de la tendance disparaissent comme elles sont venues, et les colonnes d'e-bay regorgeront dès le mois prochain de bonnets péruviens et de bottes en caoutchouc, abandonnés sans regret -et comme en plus, tout ce fourbi coûte cher, le boulot passionnant et bien payé se trouve tomber à pic.
Parcourons quelques pages et continuons notre petite exploration. Ah, les tendances tout droit sorties des podiums de mode. Ca, j'adore, surtout dès que la mode des bermudas en plein hiver a été lancée. Non mais vraiment. Tu te vois, ami lecteur, à te balader en short -même si le short susdit est en cachemire et t'a coûté un bras- par moins quinze ? Sans compter la collection o-bli-ga-toire de sacs à main et de chaussures dont la seule évocation fait péter le compteur de tous les taux autorisés de découvert de France et de Navarre...
En même temps, alors qu'on décrit la Fille Cool comme fashion victim, elle doit aussi l'être en matière de produits de beauté. Car la Fille Cool est belle ! Belle car tartinée de crèmes aux noms nébuleux qui sentent le laboratoire et aux tarifs prohibitifs, la chevelure luxuriante et traitée avec des shampooings uniquement disponibles en salons de coiffure, le doux vis habilement peinturluré de fards dont les stars du moment vantent les teintes sur les pages de pubs -à savoir les deux tiers du magazine. Evidemment, si la Fille Cool disposait de tout l'arsenal nécessaire pour avoir le droit de se présenter au monde sans sachet en papier sur la tête, elle devrait prendre environ huit heures par jour pour être présentable, à poser et retirer les masques, laisser agir les baumes démêlants et sculpter son visage avec quarante-neuf teintes de poudre. Autant dire que "souffrir pour être belle" n'a jamais été aussi vrai !
Ce qui nous amène à un autre sujet délicat, ami lecteur. Pour être belle, ou plutôt pour ne pas avoir l'air d'une paupiette emperlousée dans son bermuda en tweed, juchée sur des sandales en chêne qui coûtent le prix d'une Clio, il faut avoir la silhouette qui va avec. Et la Fille Cool n'est pas sensée vomir quotidiennement sa tomate-cerise et son substitut de repas, car ça, ce n'est pas cool, justement. Non, la Fille Cool s'autorise des écarts, ose dévorer sucreries et autres cochonailles, parce qu'elle est une Fille Cool. Elle essaye d'arrêter de fumer et fait attention à son alimentation en buvant un verre d'eau chaude et de jus de citron tous les matins à jeun -j'ai essayé, c'est infect !!- et se force à manger des légumes parce que c'est plein de fibres et que ça fait une belle peau. Ces bourrelets, là ? Tant pis, on sautera les repas de la prochaine semaine. De toute façon, ça tombe bien, ma dernière paire de nu-pieds en vison a creusé mon découvert jusqu'à la troisième génération.
Ensuite, un sujet croustillant et non des moindres, le sexe. Car la Fille Cool se doit de connaître le Kama-Sutra par coeur, de posséder une coquette collection d'ustensiles en caoutchouc et autres accessoires, et de se métamorphoser en quelques secondes en soubrette, strip-teaseuse ou infirmière selon l'humeur du moment. Ses expériences doivent être nombreuses et variées, et la moindre des étreintes dans laquelle elle s'abandonne doit obligatoirement comporter au moins dix-huit positions, l'emploi d'une quinzaine des ustensiles susmentionnés, plusieurs pratiques exotiques, un uniforme de collégienne japonaise, une machine à laver en programme essorage et une cascade d'orgasmes plus puissants en sensations qu'un carré de Côte d'Or aux éclats de noisettes. Mais attention, la Fille Cool n'est pas pour autant une fille facile. Nuance.
Continuons. la Fille Cool est également super girly, mais sait se prendre en charge quand il le faut. Donc, la Fille Cool est capable de déterminer que c'est le delco qui fait ce bruit bizarre, y faire une réparation de fortune qui tiendra jusqu'au garage tout en promenant un bâton de gloss à la fraise négligent sur ses lèvres pulpeuses, sans qu'une maille de ses bas ne file. Elle tricote un bonnet pour sa copine tout en battant son fiancé à Soul Calibur 3, et se vernit les orteils en gloussant au téléphone tout en changeant la Pampers du petit dernier et en vérifiant la cuisson du risotto, le tout avec le sourire et dans un appartement parfaitement nickel.
Le travail de la Fille Cool n'a pour ainsi dire pas d'importance dans sa vie, à part quand elle se fait du bien en disant du mal de la grosse et moche qui bosse aux factures, ou qu'elle reluque les fesses appétissantes de son chef de service, celui qui ressemble à Johnny Depp et qui est célibataire. Sa vraie vie est après le travail, avec ses amis. Et de toute façon, c'est pas bon de mêler les relations privées et professionnelles.
Bref, la Fille Cool doit être des tas de choses et leur contraire à la fois, Bridget Jones et Sharon Stone, Elodie Bradford et Julia Roberts dans Pretty Woman -un film de Fille Cool.
Et qu'arrive-t-il à celles qui ne rentrent pas dans ce moule, ami lecteur ? Celles qui aiment sincèrement leur travail, ou encore celles qui n'ont ni les moyens, ni le goût de s'offrir des monceaux de vêtures ou de cosmétiques ?
Celles-là, curieusement, on n'en parle quasiment jamais.
La femme aujourd'hui.
Non, pars pas ! Loin de moi l'idée de faire un réquisitoire façon faction militante du MLF ou quoi que ce soit. Ami lecteur, sois rassuré.
En fait, je me posais des questions quant à l'évolution du statut de la femme dans notre belle société, afin de voir un peu où nous en sommes. Et pour ce faire, j'ai examiné les plus impartiaux des témoins, les plus impitoyables compteurs de l'opinion de la société : les magazines féminins -Oui, en effet, je te l'avoue, ami lecteur, je suis friande de ce genre de lectures. En particulier ceux qui présentent leurs lectrices sous un jour ludique, car le paradoxe y est, à mon sens, le plus criant.
Je m'explique.
Aujourd'hui, si l'on en croit les magazines féminins, la Femme avec un grand F est une sorte de WonderWoman capable de tout mener de front, une carrière florissante, des amis formidables à la pelle, un fiancé merveilleux et une famille fantastique, mais bon, tout ceci est la verroterie de base depuis une bonne trentaine d'années. Non, le véritable changement, c'est que notre héroïne doit obéir à des canons aussi obligatoires qu'immuables pour espérer être une fille cool aux yeux du monde en général et des siens propres en particulier.
Déjà, allons directement au plus simple : l'apparence. La Fille Cool -appelons-la ainsi- se doit d'être à la pointe de la mode. Témoin le plus incorruptible : la page "tendances" du mois, voire de la semaine. Bon, mettons que cette semaine, les gadgets les plus hype soient les faux cils en plumes, les bonnets péruviens à oreilles, les bottes en caoutchouc et les blacelets brésiliens. Hé ben chaque semaine, c'est autant de cochonneries à acheter et avec lesquels paraître, sinon la Fille Cool perd aussitôt son précieux statut et se trouve manu militari propulsée dans l'enfer des ringards. Evidemment, ces étoiles filantes de la tendance disparaissent comme elles sont venues, et les colonnes d'e-bay regorgeront dès le mois prochain de bonnets péruviens et de bottes en caoutchouc, abandonnés sans regret -et comme en plus, tout ce fourbi coûte cher, le boulot passionnant et bien payé se trouve tomber à pic.
Parcourons quelques pages et continuons notre petite exploration. Ah, les tendances tout droit sorties des podiums de mode. Ca, j'adore, surtout dès que la mode des bermudas en plein hiver a été lancée. Non mais vraiment. Tu te vois, ami lecteur, à te balader en short -même si le short susdit est en cachemire et t'a coûté un bras- par moins quinze ? Sans compter la collection o-bli-ga-toire de sacs à main et de chaussures dont la seule évocation fait péter le compteur de tous les taux autorisés de découvert de France et de Navarre...
En même temps, alors qu'on décrit la Fille Cool comme fashion victim, elle doit aussi l'être en matière de produits de beauté. Car la Fille Cool est belle ! Belle car tartinée de crèmes aux noms nébuleux qui sentent le laboratoire et aux tarifs prohibitifs, la chevelure luxuriante et traitée avec des shampooings uniquement disponibles en salons de coiffure, le doux vis habilement peinturluré de fards dont les stars du moment vantent les teintes sur les pages de pubs -à savoir les deux tiers du magazine. Evidemment, si la Fille Cool disposait de tout l'arsenal nécessaire pour avoir le droit de se présenter au monde sans sachet en papier sur la tête, elle devrait prendre environ huit heures par jour pour être présentable, à poser et retirer les masques, laisser agir les baumes démêlants et sculpter son visage avec quarante-neuf teintes de poudre. Autant dire que "souffrir pour être belle" n'a jamais été aussi vrai !
Ce qui nous amène à un autre sujet délicat, ami lecteur. Pour être belle, ou plutôt pour ne pas avoir l'air d'une paupiette emperlousée dans son bermuda en tweed, juchée sur des sandales en chêne qui coûtent le prix d'une Clio, il faut avoir la silhouette qui va avec. Et la Fille Cool n'est pas sensée vomir quotidiennement sa tomate-cerise et son substitut de repas, car ça, ce n'est pas cool, justement. Non, la Fille Cool s'autorise des écarts, ose dévorer sucreries et autres cochonailles, parce qu'elle est une Fille Cool. Elle essaye d'arrêter de fumer et fait attention à son alimentation en buvant un verre d'eau chaude et de jus de citron tous les matins à jeun -j'ai essayé, c'est infect !!- et se force à manger des légumes parce que c'est plein de fibres et que ça fait une belle peau. Ces bourrelets, là ? Tant pis, on sautera les repas de la prochaine semaine. De toute façon, ça tombe bien, ma dernière paire de nu-pieds en vison a creusé mon découvert jusqu'à la troisième génération.
Ensuite, un sujet croustillant et non des moindres, le sexe. Car la Fille Cool se doit de connaître le Kama-Sutra par coeur, de posséder une coquette collection d'ustensiles en caoutchouc et autres accessoires, et de se métamorphoser en quelques secondes en soubrette, strip-teaseuse ou infirmière selon l'humeur du moment. Ses expériences doivent être nombreuses et variées, et la moindre des étreintes dans laquelle elle s'abandonne doit obligatoirement comporter au moins dix-huit positions, l'emploi d'une quinzaine des ustensiles susmentionnés, plusieurs pratiques exotiques, un uniforme de collégienne japonaise, une machine à laver en programme essorage et une cascade d'orgasmes plus puissants en sensations qu'un carré de Côte d'Or aux éclats de noisettes. Mais attention, la Fille Cool n'est pas pour autant une fille facile. Nuance.
Continuons. la Fille Cool est également super girly, mais sait se prendre en charge quand il le faut. Donc, la Fille Cool est capable de déterminer que c'est le delco qui fait ce bruit bizarre, y faire une réparation de fortune qui tiendra jusqu'au garage tout en promenant un bâton de gloss à la fraise négligent sur ses lèvres pulpeuses, sans qu'une maille de ses bas ne file. Elle tricote un bonnet pour sa copine tout en battant son fiancé à Soul Calibur 3, et se vernit les orteils en gloussant au téléphone tout en changeant la Pampers du petit dernier et en vérifiant la cuisson du risotto, le tout avec le sourire et dans un appartement parfaitement nickel.
Le travail de la Fille Cool n'a pour ainsi dire pas d'importance dans sa vie, à part quand elle se fait du bien en disant du mal de la grosse et moche qui bosse aux factures, ou qu'elle reluque les fesses appétissantes de son chef de service, celui qui ressemble à Johnny Depp et qui est célibataire. Sa vraie vie est après le travail, avec ses amis. Et de toute façon, c'est pas bon de mêler les relations privées et professionnelles.
Bref, la Fille Cool doit être des tas de choses et leur contraire à la fois, Bridget Jones et Sharon Stone, Elodie Bradford et Julia Roberts dans Pretty Woman -un film de Fille Cool.
Et qu'arrive-t-il à celles qui ne rentrent pas dans ce moule, ami lecteur ? Celles qui aiment sincèrement leur travail, ou encore celles qui n'ont ni les moyens, ni le goût de s'offrir des monceaux de vêtures ou de cosmétiques ?
Celles-là, curieusement, on n'en parle quasiment jamais.